Portes de la Kryte...
Le chemin jusqu’aux portes de Kryte avait été particulièrement éprouvant. Au-delà des milles dangers que recelait un tel voyage depuis les ruines d’Ascalon, il fallait ajouter les changements de climat, les maladies la fatigue et la menace quasi constante des faunes locales. De plus le convoi initial avait été maintes fois attaqué si bien qu’il avait été divisé en plusieurs groupes qui ignoraient respectivement ce qu’il était advenu de leurs compatriotes. Chaque réfugié espérait en finir au plus tôt étant donné que la fin du voyage semblait plus proche que jamais. Mais une embuscade le long d’une plage rappela l’implacable réalité, celle de la survie à chaque instant.
Femmes et enfants se regroupèrent derrière les combattants qui formèrent un cercle de défense, manœuvre devenue familière et quotidienne au fil du périple depuis Ascalon. Des créatures hideuses couvertes d’écailles se massèrent vers les réfugiés par bancs de plusieurs individus. Le convoi d’Ascaloniens brandit armes et sorts en préparation de la bataille.
L’une des créatures fit un pas en avant, ses orbites malsaines convoitant de façon dérangeante le lieu de refuge des enfants. La bête ne vit même pas la flèche qui lui transperça la gorge en guise d’avertissement. Quand elle s’écroula lourdement, ses congénères parurent hésitants durant un instant fugace, avant de devenir enragés. Mais peu importa sur le moment, car cela permit aux mages et aux sorciers de préparer leurs sortilèges qui se déversèrent avec furie sur les troupes ennemies. Bientôt les embruns de l’océan et la quiétude du chant des vagues furent chassés par les cris d’agonie des créatures et une puissante odeur de chair carbonisée. Les pertes avaient été minimes côté humain, pour une fois. Mais le sort en avait semble t-il décidé autrement, puisque le carnage de la bataille avait attiré d’autres ennemis, ceux là même que chacun espérait ne pas croiser ; les morts.
D’une démarche terriblement humaine et nonchalante, les cadavres déambulants prirent position sur une petite butte et dégainèrent leurs armes. Certains humains comprirent tardivement la manœuvre et ne parvinrent pas à se mettre à couvert à temps. Ceux-là connurent une fin abominable sous les yeux horrifiés de leurs propres enfants, en succombant non pas à leur blessure, mais au poison des flèches. Mais l’horreur ne s’arrêta pas là, car du flanc gauche déboulèrent encore des créatures de cauchemar, toutes griffes et crocs dehors. Le premier humain qui quitterait sa position à couvert pour se défendre se verrait transpercé d’une pluie de flèches empoisonnée. Autrement, il n’avait que pour solution d’attendre et être dévoré vivant par ces monstres. Et, quand tout semblait perdu, un rugissement féroce couvrit les cris et les pleurs des réfugiés…
Une ombre noire surgit violemment vers la butte et mit nombre d’ennemis à terre. Puis, tout à coup, une nuée de flèches enflammées s’abattit sur les archers cadavériques, consumant leurs derniers lambeaux de chair et anciens habits. Quand à ceux qui furent balayés par surprise, ils avaient fort à faire avec un imposant félin qui les malmenait. Pendant ce temps, les réfugiés s’étaient relevés et chargeaient les créatures ennemies restantes. Le fer rencontra la chair putréfiée. Par intermittence, une volée de flèches incandescentes sortie d’on ne sait où épaulait les réfugiés en éclaircissant les rangs ennemis. Les morts étaient peu à peu repoussés tant bien que mal, rendus à la terre en priant les Dieux que cette fois ci ils y restent..
Un groupe d’humain sortit alors de derrière un rocher, deux rôdeurs et une moniale apparemment. L’immense félin grâce à qui les réfugiés avaient eu l’opportunité de contrer la charge des goules se pressa contre le rôdeur le plus âgé. La jeune fille qui l’accompagnait semblait bien frêle mais fort adroite avec un arc. La suivante de Dwayna prit quand à elle l’initiative de porter secours aux blessés. Vraisemblablement, ce petit groupe provenait d’un autre convoi de réfugiés qui hélas tomba lui aussi dans une embuscade. Le vieux rôdeur était parvenu à en échapper ainsi que sa sœur et cette jeune rôdeuse. Ils se nommaient Azan et Lydia Filvent, et la petite Darwil Nolwe. Ils furent bien sur chaleureusement accueillis par leurs compatriotes, heureux et reconnaissants. Pendant ce temps la moniale s’efforçait de remettre sur pied le plus grand nombre, car il était dangereux de s’attarder en ces terres. Parmi les blessés, elle rencontra un guerrier gravement mordu au bras malgré son armure par une des goules. Etrangement, quand elle ôta plastron et gants elle découvrit sur le corps du guerrier plusieurs symboles et sceaux tatoués, les mêmes qu’elle portait par endroits… Cet homme peu loquace, se prénommait Gengis Delmeth.
Le campement et la veillée furent riches en discussions, connaissances et nouvelles amitiés. Mais peu pouvaient se douter que tout cela était orchestré depuis bien longtemps. Sous un ciel richement étoilé divers réfugiés se regroupèrent au coin d’un feu afin de partager pitance et un peu de chaleur. Et, parmi ces groupuscules, et sous le regard neutre des silhouettes mystérieuses qu’on appelait jadis Augures, une fratrie naquit cette nuit là, comme il avait été prédit. Un petit groupe d’Ascaloniens, hommes et femmes décidèrent de s’unir et de s’aider pour reconstruire leurs vies et aider à rebâtir la splendeur passée. Parmi eux se trouvaient quelques uns des combattants qui s’étaient illustré la journée, mais bientôt d’autres les rejoindraient. Cette partie là de la prophétie était achevée désormais. Maintenant réunis, il ne leur manquait plus qu'un nom..
Alors, en plein milieu des échanges et des discussions, une silhouette aux formes évanescentes prit la parole. Personne ne l'avait remarqué jusqu'alors, sans doute trop occupés à immaginer un avenir moins chaotique. Ce qu'ils pensaient être une vieille femme leur raconta alors d'anciens récits concernant l'exode des Druides de la jungle de Maguuma. Comment ces êtres mystiques, écoeurés des conflits et de la dégradation de la nature s'étaient réfugiés et ce qu'ils étaient devenus, des Augures. Ils étaient les observateurs privilégiés du cheminement du monde, les Tisseurs de Prophéties. Et justement, l'une d'entre elles concernait ce petit groupe...
Une Guilde venait alors de naître, comme prévu.